Darklord, ou ce qu'il en reste

Blessé. Épuisé. Usé. Las.
Il ne pouvait que commencer la liste des adjectifs qui le décrivaient à son arrivée : les mots n'auraient pas suffit à dépeindre le piteux étant dans lequel il a franchi, pour la première fois, les frontières de Jishin no sato. Vétéran de la guerre, habitant de longue date de Shinkiro no sato, l'attaque éclair de Takichi sur le village, première cible d'une longue campagne, l'avait laissé marqué, première grande cicatrice dans son âme. Et pour cause ; il en était mort.
Réellement décédé, suite à une tentative désespérée pour récupérer Mizuryu, le Kage de l'époque, séquestré dans son propre bureau, afin de redresser le village. Cela dit, il s'en était remis, car dans ce monde, tout est possible. Mais ce n'était que la première trace.

Lors d'une mission de reconnaissance avancée dans Takichi, il se fit attraper comme un bleu par une patrouille. La stratégie était simple ; se laisser capturer, utiliser un de ses petits tours de passe passe pour sortir armes, armure, et pantins d'une poche secrète hors de cet espace, récupérer des infos, tout casser, sortir de là.
Rien ne se passa comme prévu.
Tout d'abord, les soldats qui l'attrapèrent étaient équipés d'une toute nouvelle armure, et, lors de la résistance symbolique qu'il fournit pour jouer l'impuissance, il remarqua bien vite qu'elle résistait aux jutsu de manière... étonnante. Oh bien sûr, il y avait toujours des moyens détournés d'attaquer : un homme dans un brasier rôtit tout autant lorsqu'il est dans une armure de bonne facture qu'en armure de cuir, et une rafale de vent bien placée l'arrêtera comme un mur. Mais le but n'était pas de les arrêter, il se contenta donc de noter l'information.
Second souci : la dimension dans laquelle tous ses effets étaient conservés était soudainement devenu inaccessible dans sa prison.
Il avait pris toutes les précautions : jouer la faiblesse pour ne pas se retrouver avec de sales menottes bloquant le chakra : jouer les soldats jetés en première ligne dont l'unité a été décimée ; sous la torture, prêcher le faux pour savoir le vrai. Mais sans son équipement, et contre leur nouvelle armure, sa tentative d'évasion se solda par un cuisant échec. Elle aurait pu réussir, sans qu'un commandant n'ait décidé que ce camp avancé faisait un bon lieu de balade pour lui et toute son escouade. Démasqué, recapturé, le pauvre homme subit des tortures inhumaines.


Combien de temps s'écoula ? Il ne saurait le dire. Des semaines ? Probablement plus. Des années ? Non, il n'aurait pas tenu aussi longtemps. Toujours est-il que son salut vint d'une autre équipe de reconnaissance, qui raida le camp dans lequel il était retenu. Le médecin de l'équipe fit ce qu'il put ; mais la plupart des dommages étaient au-delà de toute réparation. Ses méridiens de chakra avaient été sectionnés et réparés un nombre incalculable de fois ; ses muscles étaient atrophiés, sa peau balafrée, ses ongles arrachés, ses nerfs usés. Une ombre d'humain, rien de plus - encore que les trois griffes lui servant de membres postérieurs auraient pu témoigner du contraire, mais Takichi n'y était pour rien là-dedans. Incapable d'aider à la mission, et encore moins de se battre, il ne put que suivre et subir : les villages étaient tombés pour de bon, sauf ceux qui s'étaient soumis, qui subsistaient à leur façon. Takichi avait gagné, et c'était irrémédiable. Les survivants commençaient à s'organiser, mais leurs origines disparates et les anciennes querelles ne facilitaient pas la tâche.


Et c'est sur le chemin de ce nouveau village, Jishin no Sato, qu'il put méditer sur tout ce qu'il avait perdu... Son village, qui l'avait accueilli alors qu'il n'était qu'un gamin de quinze ans. Ses amis, morts ou disparus. Son frère, tué, indirectement, par Takichi, alors qu'il le croyait déjà mort. Son école, fruit d'années de labeur acharné, dans laquelle il avait vu grandir des dizaines d'élèves, plus ou moins talentueux, mais partageant le même rêve. Ses créations, dans lesquelles il avait insufflé un peu de lui-même, une partie de ce qu'il était. Son arme et son armure, seuls souvenirs de son défunt frère. Et, enfin, et le plus terrible : son intégrité. Il se sentait souillé, détruit, plus encore que lors de sa mort. A ses yeux, il n'était plus qu'un tas de viande tout juste bon à faire un pas après l'autre ; comment pourrait-il à nouveau être utile à un village, alors que celui-ci pouvait être détruit par le simple caprice d'un empereur mégalomane ? Qu'est-ce qui empêchait Kataki - ou qui que ce soit aux commandes, pour ce que ça l'intéressait désormais - de traquer les survivants et de les exterminer ?
Et puis, au fur et à mesure des kilomètres, des jours et des semaines de marche, par des chemins détournés, la flamme revint. Il avait toujours été un homme réaliste, mais dans le fond assez innocent et jovial ; pragmatique mais chaleureux. Ce temps est révolu. Désormais, ce qui le faisait avancer, c'est la vengeance.
Takichi lui a tout pris ? Soit. Alors ils paieraient. Pour lui, pour tous les autres. Chaque soldat, chaque commandant, chaque général, chaque empereur, tous paieraient au centuple les souffrances qu'ils avaient infligé. Il s'en assurerait.


Et c'est sur cette pensée que Darklord franchit pour la première fois les portes de Jishin no Sato.

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